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Archives insolites : Nymphe, une espionne au service de l'Angleterre

Cet article a plus d'un an et est à considérer comme une archive

Les Archives départementales vous invitent aujourd’hui à la rencontre d’un personnage atypique. Marie de Roussel de Préville, surnommée Nymphe, fut jugée à Rouen pour ses activités d’espionnage contre Napoléon Bonaparte au profit de la puissance britannique.

Marie, Françoise, Joséphine, Henriette de Roussel de Préville naquit en 1785 dans le Pas-de-Calais. Elle fut élevée par sa mère, devenue veuve peu de temps après sa naissance, en pleine période révolutionnaire. À l’âge adulte, elle était fort jolie. Très petite, elle mesurait 1,46 m. Un atout pour passer inaperçue ? Son visage ovale et légèrement coloré arborait des cheveux et des sourcils châtains, de beaux yeux bleus, un nez aquilin très bien dessiné, une petite bouche et un menton rond. Sont-ce ces traits délicats et charmants qui lui valurent le surnom de Nymphe ? À n’en pas douter !

Une femme aux multiples visages

Sous ce charme se cachait toutefois une espionne qui ne manquait pas de culot et n’hésitait pas à endosser divers rôles pour le succès de ses missions. Comment débuta cette activité ? L’histoire ne le dit pas, mais toujours est-il qu’elle conspira contre Napoléon Bonaparte jusqu'en 1803, servant de messagère pour le compte de l’Angleterre. Déguisée tantôt en garçon ou en fille de ferme, tantôt en pêcheur ou en marin, se faisant appeler Dubuisson, elle servait d'agent de liaison et parcourait les routes du Boulonnais et de Marquenterre, de Dieppe et d'Amiens. Elle recueillait des renseignements, transmettait le courrier ou de l'argent. Elle servait aussi de secrétaire à l'abbé Leclerc en centralisant au Tréport toute la correspondance de  son « agence », chez une épicière.

La magnifique espionne savait duper son monde mais le complot auquel elle participait fut déjoué à plus haut niveau. Bonaparte chargea alors en février 1804 le général Savary de se rendre à Dieppe et d’arrêter tous les suspects. C’est finalement à Abbeville que le coup de filet fut fructueux. La talentueuse Nymphe parvint cependant à s’échapper pour trouver refuge près de sa mère. Elle fuit rapidement et joua alors au chat et à la souris avec les forces de police lancées à sa recherche. Partie de Boulogne à Abbeville, elle semblait prendre un malin plaisir à narguer les agents assermentés, passant ses journées à la fenêtre et apparaissant même par deux fois au bal pendant cette période. 

L'inspecteur chargé de l’arrêter ne la trouva pas. L’enquête piétinait et, après différentes péripéties, de nombreuses personnes furent arrêtées et jugées le 10 brumaire de l'an XIII  (3 septembre 1804) par une commission militaire spéciale siégeant au palais de justice de Rouen. Toujours en fuite, Nymphe n'avait pu être arrêtée mais fut condamnée à mort par contumace pour trahison.

Happy end ?

Nymphe fut alors contrainte de quitter la France. On l’aurait notamment vue en Allemagne, se dirigeant vers la Prusse et la Russie. Ses voyages et ses contacts restent plutôt mystérieux, mais elle finit par s’installer en Angleterre, bénéficiant d’une maigre pension annuelle versée par le gouvernement de ce pays.

Quelques années plus tard, un heureux événement se déroula sur le sol français. Le Ministre de la Justice intervint pour demander l'annulation de sa condamnation. Il indiqua que les faits qui lui étaient reprochés constituaient seulement un « délit politique ». Après avoir obtenu sa réhabilitation par un jugement de la cour royale de Rouen en date du 28 juin 1816, elle revint à Boulogne et batailla contre sa propre famille pour toucher sa part d’héritage. Elle retourna ensuite en Angleterre mais garda toujours des liens avec la France. Elle choisit en effet d’habiter à Londres mais possédait une résidence d’été dans le Boulonnais.

Après une vie pleine d’aventures et de rebondissements, Nymphe décéda le 28 juin 1866 dans sa demeure londonienne au 54, Gloucester Place, à l'âge de 81 ans.

Les Archives départementales conservent deux documents du fonds de la Cour d’appel de Rouen faisant tous deux référence à la réhabilitation de l’espionne : la correspondance du ministère de la Justice adressée au procureur général et l’arrêt de la cour royale de Rouen annulant la sentence initiale.