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Les archives insolites : le délit d'adultère

Cet article a plus d'un an et est à considérer comme une archive

Les Archives départementales vous content aujourd’hui l’histoire d’un amour impossible. En 1847, Ferdinand Delamare et Rose Gilles ont été arrêtés pour avoir commis un adultère, un acte constituant autrefois un délit pénal.

L’histoire se déroule au milieu du XIXe siècle. Ferdinand Delamare, homme marié de 30 ans, est pharmacien à Rouen, rue Royale, et habite au n°1 de la rue Saint-Amand. Âgée de 24 ans, Rose Gilles exerce le métier de couturière et demeure au 233, rue Eau-de-Robec. La jeune femme est également mariée… mais cela n’empêche pas les deux protagonistes de s’aimer.

De fil en aiguille, la couturière et le pharmacien instaurent un rituel pour laisser parler leurs sentiments. Tous les matins, de 7h à 10h, ils se rencontrent dans l’arrière-boutique de Ferdinand. Le jeu est dangereux mais l’amour semble plus fort que tout. Le risque est cependant bien réel car à l’époque, on ne badine pas avec l’adultère.

Le contexte

Cet acte constitue alors un délit pénal, punissable d’emprisonnement et de lourdes amendes. Les femmes sont généralement plus sévèrement punies que les coupables masculins. L’adultère est par ailleurs une cause péremptoire, entraînant automatiquement le divorce aux torts exclusifs de son auteur, et l’article 324 du Code pénal de 1810 minimise même une solution bien radicale : « Dans le cas d'adultère, le meurtre commis par l'époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l'instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable ». Notons qu’il faudra attendre la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce pour que l’adultère soit dépénalisé et que le caractère péremptoire soit supprimé. Il demeure néanmoins une faute civile qui pourra être soumise à l’appréciation du juge.

La sanction

Revenons-en aux époux infidèles qui nous intéressent… Leur petit manège finit par leur porter préjudice. Madame Delamare n’est pas dupe et porte plainte contre son mari le 10 mars 1847. Aussitôt, un flagrant délit est constaté par un commissaire de police. Les amants sont placés en détention provisoire ; ils en sortent grâce à une caution de 500 francs chacun. Les accusés se retrouvent dans une fâcheuse position et des lettres passionnées et passionnantes sont saisies comme pièces à conviction. Ces précieux documents sont aujourd’hui conservés par les Archives départementales. Ces doux mots d’amour figent leur histoire dans le temps et le pharmacien y révèle un talent poétique certain. Il se sent comme une plante privée d’eau lorsqu’il ne voit plus sa belle, il se déclare même prêt à donner sa vie pour elle.

L’époux de Madame Gilles a lui aussi porté plainte, mais il la retire finalement la veille de l’audience du tribunal civil de Rouen. Rose échappe alors à la condamnation qui frappe Ferdinand le 27 avril 1847. Le verdict tombe : il écope de trois mois de prison et d’une amende de 300 francs. Le jugement dénonce une « démoralisation » et une « relation contre nature ». Ferdinand fait immédiatement appel de la décision.

Les ressources des Archives départementales ne permettent malheureusement pas de connaître la suite des événements. Rose et Ferdinand ont-ils continué d’écrire de nouvelles pages ensemble ? Cet épisode a-t-il au contraire mis un terme à leur relation ? Libre à vous d’imaginer le final qui vous sied…